Page:Variétés Tome VIII.djvu/103

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debat, jusqu’à ce qu’une petite flammèche de malheur s’esleva quy alluma un si grand feu que toute la famille en fut embrasée : quy fut que le dit Martin desroba à Sance, son père, un boisseau de froment. Cela de soy estoit bien peu de chose, mais ce fut une occasion et comme signe d’exciter une terrible tragedie : car ledit Martin, pour crainte de la severité de son père, dès lors s’absenta du pays et se retira en Espagne, où il fut soldat soubs l’empereur Charles V, et depuis le roy Philippe son fils, par l’espace de douze ans5, tant que naguères estant à la prinse de la ville de Sainct Quentin6, ledict Martin eust une jambe emportée d’un coup de canon, quy fut cause que le dict roy Philippe luy donna une place de religieux-lay en une commanderie de Rhodes, pour y avoir son vivre et vestements en sa vie durant7. Sur ces entrefaites, et s’estant desjà passé


5. D’après la relation donnée par Rocoles, il auroit d’abord été laquais du cardinal de Burgos et de son frère, qui l’emmenèrent en Flandre. Là il se fit soldat, combattit et fut blessé, comme il est dit ici.

6. On sait que ce siége se termina par la défaite des François, le 10 août 1557, et par la prise de la ville.

7. Ce n’est pas seulement en Espagne qu’existoient ces places de moine-lai ou oblat, données, dans les cloîtres, aux soldats invalides. Nous en trouvons aussi l’institution en France. C’est le roi qui en disposoit, mais son droit étoit restreint aux bénéfices électifs de fondation royale, ducale ou comtale, qui avoient plus de 1,200 livres de revenus. Les couvents trouvèrent avantageux de convertir en argent cette prestation onéreuse. Au lieu d’avoir à héberger des invalides, ils se soumirent à une taxe de vingt écus, qui fut ensuite portée à cent, et même à cent cin-