Page:Variétés Tome VIII.djvu/108

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une femme quy estoit à un autre11. Bertrande, nonobstant, ne laissoit de solliciter soigneusement pour retirer ce faux Martin de la captivité où il estoit, et pour autant que la partie n’avoit pas grandes preuves sur ce qu’elle avoit avancé et argué, ledict faux Martin fut eslargy. Mais, estant revenu en la maison, Bertrande ne luy faisoit plus si bon visage qu’auparavant, ayant conceu quelque soupçon de luy, laquelle toutefois le cachoit et renfermoit en elle et ne le faisoit voir ny divulguer. Ceste soupçon s’ogmenta d’autant, qu’un soldat12 en passant avoit dit qu’il connoissoit bien Martin Guerre, mary de Bertrande, et qu’il l’avoit veu au siége de Sainct Quentin, où il avoit eu une jambe emportée, et qu’il estoit encore vivant. Ce qu’ayant dit et affirmé, ledit soldat laissa par escript en presence de gens pour tesmoignage, et qu’ils ne s’estoient veus depuis. L’oncle de Martin ce pendant, au nom de sa nièce, qui n’en savoit rien, faisoit informer contre ce faux Martin ; ce qu’ayant sceu, elle l’approuva. On ne sçait si l’oncle faisoit cela pour le bien de Martin, que son frère lui avoit recommandé à sa mort, ou pour la haine qu’il portoit à ce faux Martin. La cause de la haine pouvoit estre que ce faux Martin demandoit au dict oncle le compte de l’administration qu’il avoit eue de ses biens pendant son absence13. Quoy


11. Il n’est point parlé dans le récit de Rocoles, ni dans aucun autre que je sache, de cette première arrestation et de ces premiers soupçons.

12. Ce soldat étoit de Rochefort, selon l’autre relation.

13. C’est du moins ce qu’alléguoit le faux Martin-Guerre. « Il allègue, lisons-nous dans le récit de Rocoles (p. 324),