Page:Variétés Tome VIII.djvu/112

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l’oncle de Martin sans y avoir esté appelé. Ce quy fit penser aux juges qu’il y estoit veneu pour mieux emboucher Bertrande et la garder de tout deceler, et qu’on ne disoit pas sans cause que toute ceste menée estoit dirigée par luy21 : parquoy il fut ordonné que Bertrande seroit mise en seure garde et que ledict entreroit en la prison. Leurs tesmoings furent produits d’une part et d’autre, tant qu’on ne savoit quy avoit les plus veraces et equitables22. Le faux Martin fut amené devant ses juges, où Bertrande luy fut pareillement confrontée, laquelle commança à


21. Cet oncle continuoit de poursuivre le faux Martin avec acharnement. On avoit même découvert qu’il conspiroit contre lui, jusque-là qu’il avoit marchandé avec P. Loze, consul de Pahle, « s’il vouloit fournir une partie de la somme, dont il donneroit le reste, pour faire mourir le prisonnier. »

22. Le plus grand nombre se déclara pour Martin, ou plutôt n’osa se prononcer. Ceux qui lui étoient contraires disoient, et les autres en convenoient presque, que le vrai Martin étoit plus noir, homme grêle de corps et de jambes, un peu voûté, ayant grosse la lèvre inférieure, petites dents, nez large et camus, un ulcère au visage et une cicatrice sur le sourcil droit ; tandis que le faux Martin étoit petit, trapu, fourni de corps, avec la jambe grosse, ni voûté, ni camus, et n’ayant pas de cicatrice. On fit venir le cordonnier qui les avoit tous deux fournis de souliers, et il déclara que Martin chaussoit à douze points, et Arnauld à neuf seulement. On disoit encore que Martin tiroit fort bien des armes et de la fleurette, ce qu’Arnauld ne savoit pas faire. D’ailleurs, le petit Sanche, fils de Martin, n’avoit aucune ressemblance avec Arnauld. Le juge tiroit de là une conclusion dite sommaire apprise.