Page:Variétés Tome VIII.djvu/57

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duquel il avoit agi et fait agir. Mecontent du refus qu’il en avoit reçu, il se plaignit, et fit plus : car, se mêlant de poésie, il composa une satire contre ce seigneur. La pièce ou la nouvelle en ayant eté portée au duc, celui-ci, qui étoit haut, fier et puissant, fit enlever d’Aubigné, et ordonna qu’on le conduisît dans son château de Cadillac et qu’on le mît dans un fond de fosse. Il y avoit dejà plus d’un an que d’Aubigné étoit arrêté et renfermé, sans que qui que ce soit s’interessât pour le faire elargir, et sans pouvoir l’obtenir lui-même, ayant affaire à un homme trop puissant. Il en étoit chagrin ; son chagrin cependant n’empêchoit pas que pour se divertir il ne composât de temps en temps quelques chansons. Ces chansons, jointes à un air agreable et engageant, firent que la fille du geôlier, qui le voyoit assez souvent depuis qu’à sa prière son père lui avoit donné plus de liberté, le prit en affection. Voyant que d’Aubigné y repondoit assez sincerement de son côté, elle crut sa fortune faite si elle pouvoit l’engager à l’epouser. Elle lui en fit la proposition, sous promesse de faciliter son evasion et de suivre partout sa fortune. D’Aubigné, qui souffroit depuis long-temps, qui ne voyoit pas d’esperance d’une delivrance prochaine, qui n’avoit pas de bien, et qui d’ailleurs trouvoit cette fille à son gré, accepta la proposition, conclut le mariage, et, du consentement tacite du père et de la fille, ils partirent tous deux et se retirèrent à Niort, où ils se marièrent dans les formes7. Il rentra ensuite dans le


7. Tous ces faits ont besoin d’être un peu redressés pour redevenir complétement vrais. C. d’Aubigné se remaria en