Page:Variétés Tome X.djvu/12

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De profundis dira-il pour le defunct qui luy a fait perdre son bien ? je ne sçay, mais au moins je croy que Dieu par luy est bien mal prié : car je croy que celuy qui se voit frustré de la somme de deux mil livres, il ne peut pas songer à autre chose qu’à sa perte.

Je me suis trouvé une fois en pareille rencontre, sçavoir d’un boucher, qui, voyant que cette femme pleuroit et se deconfortoit, voulut se mesler de luy donner quelque consolation, luy disant : mamie, malheureux sont les personnes qui ont affaires à tels affronteurs, car j’en suis logé aussi bien que vous à la levrette9, et attrappé comme un renard10 ; c’est


9. Nous ne connaissions pas cette singulière locution, et nous n’en comprenons guère le sens. Il peut s’expliquer, toutefois, si l’on songe que levretter, levrauder, vouloit dire poursuivre, harceler, et que, par conséquent, être levretté, levraudé, signifioit : être poursuivi, malheureux. Le premier mot se trouve dans un vieux poète, cité dans le Dictionnaire étymologique de Noël, t. II, p. 155 :

. . . . . . . . . . . Hélas! c’est povreté
Qui, an et jour, m’a si fort levretté.

Quant à levraudé, il se trouve dans Voltaire : « Il est un peu extraordinaire, dit-il au mot Homme du Diction. philosoph., qu’on ait harcelé, honni, levraudé un philosophe de nos jours très estimable.... » Ailleurs, dans les Mémoires sur sa vie, écrits par lui-même, il dit : « Je crois qu’il vaut mieux bâtir un beau château, comme j’ai fait, y jouer la comédie et y faire bonne chère, que d’être levraudé à Paris comme Helvétius, etc. » Édit. Gotha, 1790, in-8º, t. 71, p. 311.

10. Ici, comme dans le vers de La Fontaine (le Renard et la Cigogne) :

Honteux comme un renard qu’une poule auroit pris, etc.