Le bon homme fut confondu,
Car je ne fus rien que fondu.
« Je ne demeurai pourtant pas longtemps en cet état : je fus donné à un orfèvre, qui m’employa à mettre en œuvre plusieurs diamans de prix, et fit une boëte de portrait magnifique. À peine étoit-elle achevée, qu’un jeune Romain l’achetta pour mettre le portrait de sa maîtresse. Au reste, comme l’on ne conte jamais d’histoire pareille à celle-ci sans qu’il soit à propos de se souvenir de quelques vers, il faut que je t’en dise, qui ont été traduits en françois, et que j’entendis reciter à notre cavalier un jour qu’il regardoit le portrait de sa maîtresse et qu’il parloit à soi-même, suivant la louable coutume des amans :
L’Amour, qui sçait charmer la plus forte douleur,
Vient au secours de ma constance
Et tient ce doux propos dans le fond de mon cœur :
Vis en repos, Tircis ; ta divine princesse
Partage en ce moment ta profonde tristesse,
Et, par mille transports secondant tes desirs,
Elle te rend avec tendresse
Et douleur pour douleur et soupirs pour soupirs.
Alors, dans l’excès de ma joye,
Je sens dans mon esprit tant de charmes secrets,
Qu’en quelque rang que je la voye,
J’abandonne mon cœur aux plus hardis souhaits.
Amour, qui prens le soin d’une flamme si belle,
Afin de la rendre immortelle,
À nos cœurs amoureux donne une même loi :