Page:Variétés Tome X.djvu/45

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On lui a fait paraître mademoiselle Mancini12, pour la plus accomplie de tout le royaume. C’est une jeune fille de quinze ans, nièce du cardinal, qui a beaucoup d’esprit, mais qui n’est pas belle13. Elle est agréable. Le roi en est amoureux, et peu à peu il se pourroit porter à l’épouser. Tous ceux qui sont autour de Sa Majesté sont gagnés pour lui inspirer une telle pensée. Quand cela lui viendroit dans l’esprit, il n’y auroit personne qui s’y opposât. Je ne dis pas que la chose se fera ni qu’elle ne se fera pas14 ;


12. Marie Mancini, mariée en 1661 au connétable du royaume de Naples, Laurent Colonna, et morte au mois de mai 1715. La date donnée ici aux commencements des amours de Louis XIV avec cette nièce du cardinal confirme celle qui se trouve dans les Agréments de la jeunesse de Louis XIV, pièce ajoutée à l’Histoire amoureuse des Gaules (édit. elzév., t. II, p. 3), et dément l’opinion de M. Ch. Livet, qui prétend que cette passion commença deux ans plus tard, en 1657 (ibid.).

13. « Il choisit Mlle Mancini, laide, grosse, petite, ayant l’air d’une cabaretière, mais de l’esprit comme un ange, ce qui faisoit qu’en l’entendant, on oublioit qu’elle étoit laide, et l’on s’y plaisoit volontiers. » Le Palais-Royal dans l’Histoire amoureuse des Gaules, t. II, p. 31. Le portrait que fait d’elle Mme de Motteville n’est pas, sans être plus flatteur, tout à fait d’accord avec celui-ci : Loin d’être petite, Marie étoit grande pour son âge, mais mal faite ; loin d’être grosse, elle étoit maigre à faire peur et décharnée. Mémoires (coll. Petitot, 1re série, t. 39, p. 400–401). Quant à son esprit, personne, ni Somaize dans son Dict. des Prétieuses (édit. elzév., I, p. 163), ni Mme de Motteville, ne le mettent en doute. Celle-ci seulement le trouve « rude, emporté… mal tourné ».

14. Elle ne se fit pas, et, contrairement à ce qu’on pou-