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Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/445

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veut moins d’indifférence. Les gens studieux qui ont lu Lanzi d’un bout à l’autre ne sont pas nombreux. Le besoin qu’on croit en avoir ne paraît pas assez grand pour qu’on s’en trouve souvent le courage. Cette histoire silencieuse et pâle, ce bruit monotone et sans fin de noms étrangers et que rien ne recommande ; cette mortuaire épitaphe, tracée sur le tombeau de l’art italien par la patience monacale qui s’y exerça pendant trente ans, est-ce là en effet une histoire de l’art, et de l’art en Italie ? Mieux valent cent fois la turbulence du Vasari, ses étourderies et ses passions ; mieux valent cent fois les œuvres vivantes avec leurs défauts, que les œuvres mortes avec leurs perfections. Et d’ailleurs, si ce cri nous échappe en comparant des choses que notre intention n’était pas d’abord de comparer, il faut voir si les défauts du Vasari ne tiennent pas intimement à ses qualités, comme un corps grossier tient souvent à une belle ame. Si le Vasari n’avait point eu un si fort amour pour l’art, serait-il tombé souvent dans ces admirations emphatiques qu’on peut lui reprocher ? S’il n’avait pas sucé le lait d’une école savante et forte, se serait-il laissé aller à cet esprit d’exclusion qu’on remarque chez lui quelquefois ? S’il n’avait pas été honoré de l’intimité des plus grands hommes, aurait-il épousé leurs querelles et leurs préventions ? S’il eût été un moins habile praticien, un moins ingénieux artiste, aurait-il autant appuyé sur les minuties et les détails du métier, sur les caprices et les recherches de l’art ? S’il n’eût pas vécu enfin, dans un temps exubérant de conviction, de travail, de mouvement et d’émulation, n’aurait-il pas eu plus de judiciaire, plus de loisir, plus de calme et d’impartialité ? Le Vasari, avec ses défauts et par ses défauts, était essentiellement un homme de son temps ; aussi peut-il seul aujourd’hui nous le représenter. Et cette part, qu’on ne doit pas décidément lui contester, n’est pas peu de chose. Représenter l’art dans ce temps, dans ce temps qui fut le plus beau, et le représenter comme une chose qu’on a aimée, pratiquée et comprise, c’est un superbe lot ! quelques exagérations et quelques erreurs n’y font rien. L’illustre Annibal Caro, ce savant ami des Médicis et des Farnèse, qui vit