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Page:Vasari - Vies des peintres - t5 t6, 1841.djvu/269

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a la souveraineté la plus réelle, parce que sa force a été tout entière appliquée à sa tâche spéciale, qui était de conclure ; et il a pu conclure, parce qu’il ne s’est trouvé ni retenu dans le passé, ni engagé dans l’avenir. Michel-Ange n’est point un homme de progrès. Il n’a rien pressenti, il n’a rien préparé ; il est le dernier terme d’un vaste accomplissement.

Comme autrefois Phidias, héritier d’Homère, couronnait dans Athènes, par le fronton du Parthénon, la poésie païenne, Michel-Ange, héritier du Dante, a couronné dans Rome la poésie chrétienne par la coupole de Saint-Pierre. Le Parthénon et Saint-Pierre sont d’admirables monuments ; mais avant tout, ne l’oublions pas, ce sont des monuments mortuaires, où deux civilisations se sont noblement couchées pour un sommeil éternel. La Grèce et l’Italie sont mortes dans les bras de Périclès et de Léon X. Ces grands hommes les ornaient religieusement, pour qu’elles laissassent au monde une impérissable trace de leur puissance et de leur beauté. Cette brillante et dispendieuse sépulture qui émerveillait les peuples inintelligents, indisposait les réformateurs hardis, qui repoussaient du pied le vieux monde. Savonarola et Luther criaient au scandale ; cependant, sans cette pieuse complaisance des peuples, que nous resterait-il de leur mémoire ? de sombres souvenirs d’abaissement, de crimes et de misères. L’art attache l’homme à sa tradition et lui rend l’humanité sainte. C’est ce que Luther ne comprenait pas ; c’est assurément ce que Michel-Ange comprit, lui qui, malgré sa vive sympathie,