Page:Verchères - Aventures de cow-boys No 1 - L'or maudit, 1948.djvu/9

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Le prêtre laissa un sourire moqueur rôder dans les coins de ses lèvres.

— Sapristi, mon oncle, êtes-vous en train de rire de moi ?

— Ne le mérites-tu pas un peu, mon enfant ? N’aurais-tu pas décroché la fameuse médaille Louis-Hippolyte Lafontaine sans ta paressomanie scolaire ?

Elle se piqua :

— N’empêche que j’ai passé mes examens avec succès !

— Oui, oui, mais où veux-tu donc en venir ?

— Bien, je suis instruite et il y a à Squeletteville des enfants ignorants ; je suis toute désignée comme maîtresse d’école.

La figure du prêtre s’illumina d’un sourire béatifique :

— Oh, Huguette, s’écria-t-il, mon dernier regret de ta présence dans ce territoire semé d’embûches et de périls, vient de s’envoler…

— Vous êtes content maintenant de m’avoir emmenée, mon oncle ?

— Oui, oui.

— Mais pourquoi ?

Le prêtre dit d’une voix douce et grave :

— Pendant que je tenterai de diriger vers Dieu la génération d’aujourd’hui, tu enseigneras les grandes vérités éternelles à la génération de demain, tu prépareras les enfants, tu construiras le solage auquel le prêtre ajoutera le reste de la maison de Dieu…

Les percherons hennirent.

Puis d’un commun accord, ils prirent le petit trot.

— Mais qu’ont-ils donc ?

Huguette opina :

— Ils doivent sentir l’eau fraîche.

En effet les bêtes s’immobilisèrent bientôt le long d’un petit cric à l’eau diaphane.

Pendant que Bobo et Baba buvaient, une plainte faible, humaine, se fit entendre.

Bobo releva la tête et hennit.

Baba l’imita.

Le prêtre et sa nièce se regardèrent.

Nouveau gémissement.

Ça semblait venir de derrière une ondulation de la plaine, de l’autre côté du cric.

Huguette dit :

— Je vais voir.

— Non, non, pas toute seule.

— Me pensez-vous faite en porcelaine, mon oncle ?

— Je t’accompagne, petite.

— Attendez.

La jeune fille releva légèrement sa jupe pour atteindre sa besace d’où elle sortit un pistolet de vague dénomination…

— Oh, fit le prêtre, je ne savais pas que tu étais armée ; je ne sais si je dois permettre…