Page:Verhaeren - Les Ailes rouges de la guerre, 1916.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Trouée et lamentable attestât notre rage.
Jamais, à tel degré, n’est monté le courage.
À Sedan, on chargea pour rien, — pour le plaisir.
Le ciel tombant n’était point fait pour nous transir.
À Saint-Privat, le soir venu, sous l’hécatombe
Des vingt corps entassés qui lui servaient de tombe,
Le torse à moitié pris dans cet étau de chair,
Le visage couvert et de sang et de glaise,
Un petit gars têtu, né à Belle-Isle-en-Mer,
Agonisait en se chantant la Marseillaise. »

Le vieux troupier nous regarda l’autre après l’un,
Et comme il nous savait revenus de Verdun :
« Et vous, qu’avez-vous fait de merveilleux, en somme ? »

Alors, l’un d’entre nous s’en vint vers le vieil homme
Et très simple, et sans qu’un trouble se laissât voir :
« Je crois que, nous aussi, fîmes notre devoir ! »