Page:Verhaeren - Les Blés mouvants, 1912.djvu/97

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Pour qu’un blâme, fût-il léger, naisse en ma tête.
Moi, je vis d’étendue et de marches au loin,
J’aime l’immensité et la beauté des plaines
Où le vent souffle et court et vole à perdre haleine,
N’ayant qu’un vieux berger rôdeur comme témoin.
Pourtant la plaine la plus belle
M’est toujours celle
Que font
Les dos mouvants de mes moutons,
Quand ils vaguent, de l’aube au soir, en peloton,
Sur les éteules
Et que l’ombre géante et tranquille des meules
Au coucher du soleil s’étend sur leurs toisons.
Certes, j’ai quelquefois rêvé à l’étourdie
D’une existence au loin, en des pays, là-haut,
Mais je suis revenu toujours vers mon troupeau,
Aimant, pour l’en guérir, jusqu’à ses maladies.
Je peux soigner et les brebis et les béliers
Et leur langue et leurs yeux, et leurs cornes et leurs pattes.
Je sais plus d’un remède étrange à employer