Page:Verhaeren - Les Flammes hautes, 1917.pdf/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Il me jurait que les plus vieux avaient mille ans,
Qu’ils étaient doux et familiers avec les astres,
Et que les soirs des mois cléments,
Certe, ils causaient entre eux des éclatants désastres.
Dont autrefois avait tremblé le firmament.
Je l’écoutais rêver, parler et puis se taire,
Et ne songeais à rien qu’à tant d’arbres là-bas
Qui maintenaient debout et leur front et leur bras
Et leurs troncs appuyés sur le cœur de la terre.
Bientôt l’hiver s’en vint serrer en son étau
Et les clos et les champs et les rocs et les eaux :
Du gel semblait tomber des lèvres de la lune,
Les feuilles s’affaissaient sur le sol, une à une,
Et je voyais déjà les grands bois dépouillés
Et la Vierge et Persée et l’étoile des mages
Dans les nuits de Noël doucement scintiller
À travers le dédale aminci des branchages.

Quand je fus grand, les bois m’émurent plus encor.

Au dessin d’une pousse, aux lignes d’une écorce,
J’appris à reconnaître ou l’âge ou bien la force
Des plus grands pins dardés vers la gloire ou l’effort