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Un pan de ville est tombé là
Dans la poussière et le plâtras
Et gît à terre, sous la pluie :
Sur le sol défoncé de l’un à l’autre bout
Quelque vieux mur branlant s’est maintenu debout,
Où zigzague un chemin de fumée et de suie.

Des gens aujourd’hui morts ont aimé ces foyers
Dont la trace perdure aux flancs d’une ruine ;
Ils ont vu les tisons rouges y flamboyer
Pour y chauffer leurs mains, leurs fronts et leurs poitrines
Ils ont passé leur vie à marcher, à s’asseoir,
À recompter leur or près des flammes dardées,
Et puis se sont éteints comme ces feux, un soir,
N’ayant plus dans leur cœur que de vieilles idées.
Ils sont partis sous terre, au loin, on ne sait où,
Pauvres noms effacés sur des tombes fendues,
Et seul à la muraille est demeuré le clou
Où leur image, en un vieux cadre, était pendue.
L’église où s’en allaient leur pas chaque matin
S’élevait là où se bossuent mille décombres ;