Page:Verhaeren - Les Forces tumultueuses, 1902.djvu/41

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Celles qui s’enfonçaient si loin, dans l’étendue,
Qu’on les croyait aux clous des astres suspendues,
Voyaient passer, comme un cortège de flambeaux,
De grands moines drapés de robes solennelles
Qui revêtaient le Christ de paroles nouvelles
Et retrempaient l’Église en des dogmes nouveaux.

Prêches partout. Les uns tonnaient au cœur des villes,
À Pentecôte, à la Toussaint, à la Noël ;
D’autres parlaient, devant les gens des bourgs serviles ;
D’autres, devant les rois, et tous, devant le ciel.
Ce qu’ils disaient, c’était les futures pensées
Qui sommeillaient, au fond de ceux qui écoutaient ;
C’était la sourde ardeur des forces oppressées
Qui lentement, à fleur du sol chrétien, montaient ;
C’était la volonté qui n’osait point encor
Surgir, avec ses ors cachés, comme l’aurore ;
C’était ce qui pointait dans cet espoir : demain !
C’était la conscience apeurée et tremblante
Qui s’étirait, pour se mouvoir, énorme et lente ;
C’était tout l’homme et sa victoire humaine, enfin !

Ils se levaient, parmi les prêtres des conciles,
Puissants, avec, entre leurs mains, des lys sculptés