Page:Verhaeren - Les Tendresses premières, 1904.djvu/83

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Mais quand le sort avait trahi la chance,
Chacun, sans se montrer, rentrait chez soi,
Féroce et méditant comment une autre fois,
De l’échec essuyé, il tirerait vengeance.


La bière et ses tonneaux étaient les larges puits,
Où l’on trempait gaîment sa fièvre et son courage ;
Où l’on noyait dûment sa honte et ses ennuis.


Pintes brunes et pintes blondes,
Comme les filles du pays,
Lèvres belles et bouches rondes
Autour des brocs superbement remplis,
Saines, longues, rouges et pesantes guirlandes,
De gros buveurs, sablant toujours,
À gestes lents, à gestes lourds,
Avec, entre leurs doigts, la pipe de Hollande,
Combien vous me fûtes joie et orgueil,
Le jour où je franchis le seuil
Des cabarets fameux où s’exaltaient vos ventres.
On m’amena du « Chasseur Vert » vers les « Trois Chantres »
Mais ce ne fut vraiment qu’à « L’Archer d’Or »,

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