Page:Verhaeren - Les Villes tentaculaires, 1920.djvu/175

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Ils s’assemblent et s’ameutent en rameuses paroles.

De gros lambris fougueux et des ornements crus
Luisent, au long des murs et, par bouquets, se dardent ;
Des satyres sautants et des Bacchus ventrus
Rient d’un rire immobile en des glaces blafardes ;
Des fleurs meurent. Sur des tables de jeu,
Les bols chauffent, tordant leur flamme en cheveux bleus ;
Un pot de fard s’encrasse, au coin d’une étagère ;
Une chatte bondit vers des mouches, légère ;
Un ivrogne sommeille étendu sur un banc,
Et des femmes viennent à lui et se penchant
Frôlent ses yeux fermés, avec leurs seins énormes,

Leurs compagnes, reins fatigués, croupes qui dorment,
Sur des fauteuils et des divans sont empilées,
La chair morne et vague d’avoir été foulée
Par les premiers passants de la vigne banale.
L’une d’elles coule en son bas un morceau d’or,
Une autre bâille et s’étire, d’autres encor
— Flambeaux défunts, tyrses usés des bacchanales —
Sentant l’âge et la fin les flairer du museau,