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Riaient et se gorgeaient. Ils crièrent au pèlerin

De prier Dieu pour eux, mais de trinquer un brin,
D’abord, à la santé de Notre-Dame.
Le pèlerin s’assit et, longuement, il but

Au salut de leur âme.


Au dernier bourg, quand il parut,

La kermesse sautait, chantait, ruait de joie,
Couples noués, à travers le village.
Les violons grinçaient, sous une ormoie ;
Des vieux dansaient des danses hors d’usage,
Ou posément fumaient des pipes blanches
Et sans tache, comme un dimanche.
Lorsque le pèlerin passa,
L’un d’eux lui dit : « Bonhomme,
Tu es chrétien ; la bière est bonne ; et nous sommes
De ceux qui vont, à chaque automne, où toi tu vas. »
Le pèlerin remercia,
But largement à perdre haleine

Et repartit, en titubant, le long des plaines.


Le soir semait déjà sa cendre sur les chaumes.

Au loin, s’arrondissaient l’abside et le grand dôme,
Plein d’étoiles, de Montaigu.
Dans les fermes, les feux aigus
Des lumières brillèrent.
Le pèlerin prit le chemin du cimetière,
Et sans que nul ne vit sa marche et ses faux pas,

Il pénétra dans la chapelle, qu’il referma.