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JADIS ET NAGUÈRE


« Mais aussi, soit dit sans reproche,
Combien de peines et de pas
Nous a coûtés leur seule approche,
On ne l’imaginerait pas.

« Dès que, sans pitié ni relâches,
Sonnèrent leurs pas fanfarons,
Nos cœurs de fauves et de lâches,
À la fois gourmands et poltrons,

« Pressentant la guerre et la proie
Pour maintes nuits et pour maints jours
Battirent de crainte et de joie
À l’unisson de leurs tambours.

« Quand ils apparurent ensuite
Tout étincelants de métal,
Oh ! quelle peur et quelle fuite
Vers la femelle, au bois natal !

« Ils allaient fiers, les jeunes hommes,
Calmes sous leur drapeau flottant,
Et plus forts que nous ne le sommes
Ils avaient l’air très doux pourtant.

Le fer terrible de leurs glaives
Luisait moins encor que leurs yeux,
Où la candeur d’augustes rêves
Éclatait en regards joyeux.