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JADIS ET NAGUÈRE


Et les satans mourants chantaient dans les flammes
Ayant compris, comme s’ils étaient résignés !
Et de beaux chœurs de voix d’hommes et de femmes
Montaient parmi l’ouragan des bruits ignés.

Et lui, les bras croisés d’une sorte fière,
Les yeux au ciel où le feu monte en léchant,
Il fit tout bas une espèce de prière
Qui va mourir dans l’allégresse du chant.

Il dit tout bas une espèce de prière,
Les yeux au ciel où le feu monte en léchant…
Quand retentit un affreux coup de tonnerre,
Et c’est la fin de l’allégresse et du chant.

On n’avait pas agréé le sacrifice :
Quelqu’un de fort et de juste assurément
Sans peine avait su démêler la malice
Et l’artifice en un orgueil qui se ment.

Et du palais aux cent tours aucun vestige,
Rien ne resta dans ce désastre inouï,
Afin que par le plus effrayant prodige
Ceci ne fût qu’un vain rêve évanoui…

Et c’est la nuit, la nuit bleue aux mille étoiles ;
Une campagne évangélique s’étend
Sévère et douce, et, vagues comme des voiles,
Les branches d’arbres ont l’air d’ailes s’agitant.