Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, IV.djvu/213

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UN BON COIN


Ô rien de ce que votre méchante imagination pourrait croire.

Un débit dont le comptoir ne se ternit que sous des mains sobres ou presque, en tous cas honnêtes et bien élevées ou quasi ainsi. Rare, hein ? un endroit pareil en ce Paris-ci ?

Le « patron », un grand châtain-clair, est d’une jovialité avenante mais qui sait choisir son monde. Vêtu presque toujours d’étoffes claires, par un caprice de blond, sans doute. Jamais on ne l’a vu dans le tricot du troquet, et ça effarouche les galvaudeux du querquier.

La Patronne, beauté royale, a tout le sérieux et la gaieté qu’il faut. Quelquefois sa physionomie claire et franche assume une impassibilité peut-être ironique ; mais quand un client lui offre une rose ou l’humble bouquet de violettes, elle s’épanouit d’un vrai plaisir de jeune femme qui aime des sœurs dans les fleurs. Une cage toute pépiante d’oiselets des Iles sollicite à chaque instant son regard et son sourire.