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confessions


L’entrevue ne devait avoir lieu que le soir, après dîner. Qu’il me parut long, bien que bon, ce divin et infernal jour-là ! Aussi, quand s’approcha l’heure exquise, quel soin, pour passer le temps d’une manière du moins conforme à mon train de pensée, apportai-je et n’apportai-je pas, moi d’ordinaire expéditif en ces matières, à ma toilette ! Que de fois dut ma pauvre bonne mère toute souriante, peut-être, et, quand j’y pense, sans doute inquiète, troublée un peu, de mes expansions, faire et refaire le nœud de ma cravatte alors La Vallière (depuis ?), brosser et rebrosser redingote et pardessus, lisser et relisser le haut-de-forme, etc. Et de quel pas, léger et… sérieux (j’avais volontairement oublié mon monocle carré… en verre de carreau. Cet attribut me semblait, pour la première fois, inutile… et même un tantinet ridicule), de quelle allure comme ailée, gravement, n’enfilai-je pas le sans fin boulevard de Clichy et celui non moins interminable Rochechouart, n’escaladai-je pas l’escarpement, puis ne dégringolai-je pas la pente de la rue Ramey pour finalement gravir le doux Calvaire dénommé en langue vulgaire rue Nicolet !

On m’introduisit au salon où Mme M… descendit bientôt, m’encourageant d’une poignée de main vraiment cordiale, et bientôt suivie de son mari avec qui un salut quasiment cérémonieux fut échangé. De vagues propos s’engagèrent… avait-on fait un