Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, V.djvu/183

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XIV

Et dès après avoir, car je ne manquai jamais à ce devoir, embrassé ma mère chez qui j’étais entré, comme un fou mais affectant le calme qu’il fallait, et dîné vite, je la quittai dans une étreinte qu’elle dut surtout attribuer à mon bonheur que ce fût ma dernière soirée avant la suprême nuit, et courus d’un trait jusqu’à mon paradis cru perdu !

Là, en attendant que « Mademoiselle » descendît au petit salon coutumier, j’essayai de me remettre un peu et de me composer un maintien, en même temps que par une toux discrète dans le creux de ma main je me préparais une voix appropriée. Je croyais y avoir réussi, au moins en partie, mais dès l’entrée d’Elle tout mon échafaudage de sang-froid et de calme s’écroula dans une émotion sans pareille dont l’expression soudaine hacha d’illogiques exclamations et presque de sanglots le discours prémédité que j’avais en tête. Mon histoire, racontée de cette façon-là, commença par l’abasourdir, elle me la fit répéter et répéter, et sa conclusion, après d’évidentes alarmes qu’elle partageait de plus en