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confessions

Je vis Cette, Nîmes, ou plutôt j’y allai, car rien ne me revient de ces villes que, dans la dernière, le bruit des coups de fusil de la guerre civile entre Protestants et Catholiques et notre angoisse à ma mère et à moi (ma cousine était restée à Metz, en pension, chez les Dames de Sainte-Chrétienne), car mon père faisait partie d’un détachement de troupes envoyé de Montpellier pour rétablir l’ordre, et ma mère avait voulu suivre mon père…

Il y a bien aussi un chemin de fer, combien primitif ! dont le très vague souvenir s’estompe quand j’y pense, surtout un chapeau de paille tout neuf envolé par une portière où je m’étais penché contre le vent. Du vraisemblable grand émoi en présence d’un spectacle nouveau tel, d’une pareille sensation éprouvée pour la première fois, une locomotive en action, un train s’ébranlant, rien, non, rien ne m’est resté. L’enfant a si peu vu, si peu éprouvé, qu’il peut à peine comparer et que l’étonnement n’est nécessairement que très faible sinon tout à fait nul en lui. Un jour, en Angleterre, un petit garçon dans les âges que je pouvais avoir à cette époque de mes « notes », voyait pour la première fois tomber de la neige et paraissait profondément attentif. Ceci se passait à un rez-de-chaussée, et la cour, devant la fenêtre d’où mon jeune ami observait le temps, était toute blanche déjà. Une servante ouvrit alors la porte qui donnait sur cette cour et