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quinze jours en hollande

de bambou incisé en travers. L’escalier de bois, à la rampe noir et rouge nous mène dans d’autres chambres — où je n’ai pas pénétré.

J’ai suffisamment décrit la jolie salle à manger ainsi que le serin qu’on a entrevu et entendu plus haut dans ce livre.

Le salon, merveille de bon goût artistique c’est-à-dire peu d’ordre, mais mieux. De la profusion bien, pas une place libre aux murs, occupés par de magnifiques porcelaines anciennes du Japon, blanches, rouge et or, des estampes d’Outamaro, des bronzes, des laques d’Orient. Ajoutez à cela les tapis précieux. — En ce salon où déjà depuis mon arrivée, j’ai fumé tant de cigares, bu, après le café le schiedam national et le curaçao qui n’est pas là-bas l’horreur sucraillée qu’on boit à Paris communément, sous ce nom illustre, feuilleté avec mon amie Renée ses beaux albums japonais bleus, rouges, jaunes, avec vues de villes et de campagne, leurs personnages grimaçants et gracieux — en ce salon, dis-je — qu’Edgard Poe troquerait bien vite contre celui, si froid, du Cottage Londor (un caprice de haut dandysme), dans ce salon l’ennui n’est pas possible. Le souci même, le chagrin, la maladie morale ou physique s’y édulcoreraient et le plus misanthrope y perdrait son latin d’absoute !

Bref, un bijou de maison d’artiste, admirablement située, admirablement meublée.