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souvenirs et promenades

maints cafés n’étaient qu’entre-bâillés. Ça sentait la poudre et ça fleurait le sang. En même temps, des incidents comiques se produisaient. Pour ma part, j’assistais, non pas certes à la frousse, mais à l’indignation un peu puérile d’un de mes bons amis, poète du plus grand mérite. À propos du meurtre, évidemment déplorable (je le reconnais aujourd’hui), du général Lecomte et de Clément Thomas, ce ne fut pas une fois ni deux, mais cinquante, mais cent fois qu’il me répéta, alors que moi je trouvais tout ça, même la fusillade de Montmartre (horresco referens), très bien : « Mais c’est affreux ! mais c’est l’affaire Bréa ! mais, mais… »

Sans compter les grotesqueries de costume, les disparates d’uniformes et les commandements à rebours et les manœuvres à l’envers de cette garde nationale à peine dégrossie de l’atelier et du troquet. Et quelle emphase, du reste, gentille au fond, dans le langage de ces braves imbus de leurs bêtes et méchants journaux, mal digérés en sus !

La nuit tombe sur la ville haletante. On entend des crosses de fusil tombant sur le pavé… Parisiens, dormez !