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césar cascabel.

— Eh ! Clou a raison, répondit M. Cascabel… C’est là une excellente idée…

À moins qu’elle ne soit mauvaise, ajouta Clou avec son correctif habituel.

— C’est à essayer avant de revenir en arrière, répondit Jean et, si tu le veux, père, j’irai…

— Non, il vaudra mieux que ce soit moi, reprit M. Cascabel. Est-ce qu’il y a loin de la frontière à Sitka ?…

— Une centaine de lieues, dit Jean.

— Eh bien, dans une dizaine de jours, je puis être revenu à notre campement. Attendons à demain, et nous tenterons l’aventure ! »

Le lendemain, dès le lever du jour, M. Cascabel se mit à la recherche des agents. Les rencontrer ne fut ni long ni difficile, car ils étaient restés en surveillance aux environs de la Belle-Roulotte.

« Encore vous ? lui cria-t-on d’un ton menaçant.

— Encore moi ! » répondit M. Cascabel avec son plus agréable sourire.

Et, avec toutes sortes d’amabilités à l’adresse de l’administration moscovite, il fit connaître son désir d’être conduit près de Son Excellence le gouverneur de l’Alaska. Il offrait de payer les frais de déplacement de « l’honorable fonctionnaire » qui consentirait à l’accompagner, et même il ne laissa pas de faire entrevoir la perspective d’une jolie gratification en monnaie courante pour l’homme généreux et dévoué, qui… etc.

La proposition échoua. La perspective d’une jolie gratification n’eut même aucun succès. Il est probable que les agents, entêtés comme des douaniers et têtus comme des gabelous, commencèrent à trouver extrêmement suspecte cette insistance à franchir la frontière alaskienne. Aussi l’un d’eux intima-t-il l’ordre de rétrograder sur l’heure, en ajoutant :

« Si nous vous retrouvons encore sur le territoire russe, ce n’est pas à Sitka que l’on vous conduira, c’est au fort le plus voisin. Et, lorsqu’on est entré là, on ne sait jamais ni comment ni quand on en sort ! »