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césar cascabel.

De toute façon, si l’attentat avait eu le vol pour mobile, ces misérables, trop pressés de s’enfuir à l’arrivée de la jeune Indienne, avaient manqué un coup de fortune, dont ils ne retrouveraient guère l’équivalent dans ces pays si peu fréquentés.

À cela nul doute, car M. Cascabel ayant enlevé les habits du blessé, il avait trouvé dans une ceinture de cuir, serrée à la taille, quantité de pièces d’or d’origine américaine et russe. Le tout formait un total d’environ quinze mille francs. Cet argent fut mis en sûreté pour être restitué dès qu’il y aurait lieu. Quant aux papiers, il n’y en avait aucun, si ce n’est un carnet de voyage, avec quelques notes, tantôt en russe, tantôt en français. Rien, rien qui pût permettre d’établir l’identité de l’inconnu.

Ce matin-là, vers neuf heures, Jean dit :

« Père, nous avons un devoir à remplir envers ce corps qui est resté sans sépulture.

— Tu as raison, Jean, partons. Peut-être trouverons-nous sur lui quelque écrit qui nous renseignera.

— Tu nous accompagneras, ajouta M. Cascabel en s’adressant à Clou. Emporte une pioche et une pelle. »

Munis de ces outils, tous trois quittèrent la Belle-Roulotte, non sans s’être armés, et ils se dirigèrent le long de cette lisière du bois qu’ils avaient suivie la veille.

En peu de minutes, ils retrouvèrent l’endroit où le meurtre avait été commis.

Ce qui ne leur parut pas douteux, c’est que les deux hommes s’étaient installés à cette place pour passer la nuit. Il y avait là les traces d’une halte, les restes d’un feu dont les cendres fumaient encore. Au pied d’un gros pin, des herbes avaient été entassées, afin que les deux voyageurs pussent s’étendre, et peut-être dormaient-ils quand ils avaient été attaqués.

Quant au mort, il était déjà saisi par la rigidité cadavérique.

À son costume, à sa physionomie, à ses mains rudes, il fut aisé de reconnaître que cet homme, âgé de trente ans au plus, devait être le domestique de l’autre.