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le détroit de behring.

aux femmes les conséquences. C’eût été les effrayer inutilement. On décida donc de les laisser dans la voiture, et chacun se mit aux roues pour soulager les chevaux éreintés, à demi fourbus, dont le poil suait sous les rafales.

Vers deux heures, la tombée de la neige diminua sensiblement. Elle se réduisit bientôt à quelques flocons épars que la brise faisait tourbillonner dans l’air. Il devint alors plus facile de conserver une direction efficace. On poussa vigoureusement l’attelage. M. Serge était bien résolu à ne point s’arrêter, tant que la Belle-Roulotte ne reposerait pas sur les roches de l’îlot Diomède.

D’après ses calculs, cet îlot ne devait plus être maintenant qu’à une demi-lieue vers l’ouest et, en donnant un bon coup de collier, peut-être suffirait-il d’une heure pour en accoster la grève.

Par malheur, la clarté, déjà si douteuse, ne tarda pas à s’affaiblir, au point d’être réduite à une vague réverbération. Était-on ou non en bonne route, et fallait-il continuer à marcher dans ce sens ?… Comment le vérifier ?

En ce moment, les deux chiens firent entendre de vifs aboiements. Signalaient-ils l’approche d’un danger ? N’avaient-ils pas éventé quelque bande d’Esquimaux ou de Tchouktches, de passage à travers le détroit ? Dans ce cas, M. Serge n’hésiterait pas à réclamer l’assistance de ces indigènes et, tout au moins, il chercherait à être fixé sur la position exacte de l’îlot.

En même temps, une des petites fenêtres de la voiture venait de s’ouvrir, et on entendit Cornélia demander pourquoi Wagram et Marengo aboyaient de la sorte.

Réponse lui fut faite qu’on ne savait encore, mais qu’il n’y avait pas lieu de s’alarmer.

« Faut-il descendre ?… ajouta-t-elle.

— Non, Cornélia ! répondit M. Cascabel. Les fillettes et toi, vous êtes bien où vous êtes !… Restez-y !

— Mais si les chiens ont senti quelque animal… un ours, par exemple ?…