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jusqu’à l’obi

peu d’habitude, vous deviendriez un jongleur hors ligne, et je suis sûr que vous feriez recette ! »

Le 6 mai, arrivée de la Belle-Roulotte sur le bord de l’Ienisseï, à une centaine de lieues du lac Iege.

L’Ienisseï est un des principaux fleuves du continent sibérien, et il se jette à travers le golfe de ce nom, qui s’ouvre sur le soixante-dixième parallèle, dans la mer Arctique.

À cette époque, il ne restait plus un seul glaçon à la surface de ce large fleuve. Un grand bac à voitures et à voyageurs, qui établissait la communication entre ses deux rives, permit à la petite caravane, matériel et personnel, de passer, non sans s’être acquittée d’un assez fort péage.

La steppe recommençait au-delà avec ses interminables horizons. À plusieurs reprises, on put observer des groupes d’Ostiaks, qui accomplissaient leurs devoirs religieux. Bien que la plupart aient été baptisés, la religion chrétienne n’a que peu d’empire sur eux, et ils sont encore à se prosterner devant les images païennes des Shaïtans. Ce sont des idoles à figures humaines, taillées dans de gros blocs de bois, et dont chaque maison, chaque hutte même, possède un petit modèle, ornée d’une croix de cuivre.

Il paraît que les prêtres ostiaks, les Scha-mans, retirent un fort beau profit de cette religion en partie double, sans compter qu’ils exercent une grande influence sur ces fanatiques, à la fois chrétiens et idolâtres. On ne saurait croire avec quelle conviction ces possédés se débattent en présence des idoles, et à quelles contorsions d’épileptiques ils se livrent !

Et, la première fois que l’on rencontra une demi-douzaine de ces énergumènes, ne voilà-t-il pas le jeune Sandre qui s’avise de les imiter, marchant sur les mains, se déhanchant, se repliant en arrière, cabriolant comme un clown, et terminant cet exercice par une série de sauts de carpe.

Ce qui amena son père à faire cette réflexion :

« Je vois, enfant, que tu n’as rien perdu de ta souplesse !… C’est