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césar cascabel.

Il s’ensuivit qu’à l’heure dite, il y eut aux abords du cirque grande affluence de spectateurs : le gouverneur de Perm et sa famille, un certain nombre de fonctionnaires, des officiers de la citadelle, quelques gros négociants de l’endroit, et aussi nombre de ces petits trafiquants, qui étaient venus à la foire, enfin un énorme concours de populaire.

À la porte se démenaient les instrumentistes de la troupe, Sandre, Napoléone, Clou, avec piston, trombone, tambour, et aussi Cornélia, en maillot couleur chair et en jupe rose, qui faisait tonner sa grosse caisse. De là, un vacarme prodigieux, bien fait pour charmer des oreilles de moujiks.

Puis, ces cris de César Cascabel, proférés en bon et intelligible russe :

« Entrez !… Entrez, mesdames et messieurs !… C’est quarante kopeks la place… sans distinction !… Entrez ! »

Et, dès que messieurs et mesdames eurent pris place sur les banquettes du cirque, l’orchestre s’éclipsa, afin de reprendre son rôle dans le programme de la représentation.

La première partie marcha parfaitement. La petite Napoléone sur la corde raide, le jeune Sandre dans ses dislocations de clown contorsionniste, les chiens savants, le singe John Bull et le perroquet Jako dans leurs réjouissantes scènes, M. et Mme Cascabel dans leurs exercices de force et d’adresse, obtinrent un véritable succès. De ces vifs applaudissements, si légitimement dus à des artistes de premier ordre, Jean eut aussi sa part. Peut-être, ayant l’esprit ailleurs, sa main hésita-t-elle, peut-être ses talents d’équilibriste furent-ils un moment obscurcis ?… Mais cela ne fut perceptible que pour l’œil du maître, et le public ne s’aperçut pas que le pauvre garçon n’était pas tout à son affaire !

Quant à la pyramide humaine, qui précéda l’entracte, elle fut unanimement bissée.

Au surplus, M. Cascabel avait été étourdissant de verve et de bonne humeur, en présentant ses artistes, en demandant pour eux des