Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un nombre considérable d’employés civils, uniformément coiffés de la casquette russe.

En réalité, ce qu’il y a de plus intéressant à visiter, c’est une sorte d’annexe, un village Téké, une enclave de Merv, dont les habitants ont conservé le vilain type de cette race décadente, corps musclé, oreilles écartées, grosses lèvres, barbe noire. De là se dégage encore un dernier reste de cette couleur locale qui manque à la nouvelle ville.

Au détour d’une rue du quartier des mercantis, nous accostons le courtier américain et la courtière anglaise.

« Monsieur Ephrinell ! m’écriai-je. Il n’y a pourtant rien de si curieux dans ce Merv moderne !

— Au contraire, monsieur Bombarnac, la ville est presque yankee, et elle le sera tout à fait le jour où les Russes l’auront dotée de tramways et de becs de gaz !

— Cela viendra.

— Je l’espère, et Merv aura droit alors au nom de cité.

— Pour mon compte, monsieur Ephrinell, j’aurais préféré faire une excursion à l’ancienne ville, visiter ses mosquées, sa forteresse, ses palais. Par malheur, c’est un peu loin, le train ne s’y arrête pas, je le regrette…

— Peuh ! fit le Yankee. Ce que je regrette, moi, c’est qu’il n’y ait rien à faire en ces pays turkomènes ! Les hommes vous y ont des dents…

— Il est vrai que les femmes vous y ont des cheveux… ajoute miss Horatia Bluett.

— Eh bien, miss, achetez ces chevelures, et vous n’aurez pas perdu votre temps.

— C’est ce que fera certainement la maison Holmès-Holme de Londres, me réplique la courtière, dès que nous aurons épuisé le stock capillaire du Céleste-Empire. »

Là-dessus, le couple nous laisse.

Je propose alors au major Noltitz, — il était six heures, — de dîner à Merv avant le départ du train. Il accepte, mais il eut tort d’accepter.