Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/136

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de ce qu’offre de plus léger le menu du jour. Il paraît même, d’après ce que nous dit le major Noltitz, que ces maintuys, sautés à la graisse, sont plus savoureux encore. Et pourraient-ils ne pas l’être, puisqu’ils prennent alors le nom de « zenbusis », — ce qui signifie « baisers de dames » ?

Comme M. Caterna exprime son regret que ces zenbusis ne figurent pas sur la carte du déjeuner, je me hasarde à dire :

« On peut trouver, il me semble, des zenbusis ailleurs qu’en Asie centrale ! »

Là-dessus, Pan-Chao d’ajouter en riant :

« C’est encore à Paris qu’on les fabrique le mieux. »

Je regarde mon jeune Céleste. Avec quel appétit il opère !… ce qui lui vaut les observations du docteur sur « l’immodérée consommation qu’il va faire de son humide radical ».

Le déjeuner s’est prolongé fort gaiement. La conversation a porté sur les travaux des Russes en Asie. Pan-Chao me semble être très au courant de leurs progrès. Non seulement ils ont créé le Transcaspien, mais le Transsibérien, étudié depuis 1888, est en cours d’exécution et même très avancé déjà. Au premier tracé, par Iscim, Omsk, Tomsk, Krasnojarsk, Nijni-Ufimsk et Irkoutsk, on a substitué un second tracé, plus méridional, passant par Orenbourg, Akmolinsk, Minoussinsk, Abatoui et Vladivostok. Lorsque ces six mille kilomètres de rails seront achevés, Pétersbourg sera à six jours de la mer du Japon. Et ce Transsibérien, dont le développement dépassera celui du Transcontinental des États-Unis, ne coûtera pas plus de sept cent cinquante millions.

On imagine aisément que cet entretien sur l’œuvre moscovite n’est pas pour plaire à sir Francis Trevellyan. Aussi, bien qu’il ne se permette un seul mot, qu’il ne lève pas les yeux de son assiette, sa longue figure se colore-t-elle légèrement.

« Eh ! messieurs, dis-je alors, ce que nous voyons n’est rien auprès de ce que verront nos neveux. Nous voyageons aujourd’hui dans un train direct du Grand-Transasiatique. Mais que sera-ce