Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/159

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Et alors, après que je suis revenu vers la porte du fourgon, afin de m’assurer que nous ne courons pas le danger d’être surpris, la conversation continue.

Naturellement, Kinko me demande comment j’ai découvert son secret. Je lui raconte tout ce qui s’est passé sur le paquebot pendant la traversée de la Caspienne. Sa respiration l’a trahi. L’idée que je l’ai d’abord pris pour un animal, un fauve même, lui semble très plaisante. Un fauve, lui ! Tout au plus un fidèle caniche ! Puis, son éternuement l’a fait remonter l’échelle des êtres jusqu’au rang de l’humanité.

« Mais, me dit-il en baissant la voix, il y a deux nuits, j’ai cru que tout était perdu… Le fourgon fermé, je venais d’allumer ma petite lampe… et je commençais à souper, lorsqu’un coup a été frappé au panneau…

— C’était moi, Kinko, moi-même, et, cette nuit-là, nous eussions fait connaissance, si, au moment où j’allais vous parler, le train n’avait éprouvé un secousse et ralenti sa vitesse. Un dromadaire avait eu la maladresse d’intercepter la voie, et je n’eus que le temps de me réfugier sur la plate-forme…

— C’était vous ! s’écrie Kinko. Je respire !… En quelles transes j’ai vécu !… On savait que quelqu’un était caché dans cette caisse… Je me voyais découvert, livré aux agents, arrêté, mis en prison à Merv ou à Boukhara, car elle ne plaisante pas, la police moscovite !… Et ma petite Zinca m’aurait vainement attendu… et jamais je n’aurais pu la revoir… à moins de reprendre le voyage à pied… Eh bien ! je l’aurais repris, monsieur, oui ! je l’aurais repris ! »

Et il dit cela avec un tel accent de résolution qu’il est impossible de ne pas reconnaître chez ce jeune Roumain une énergie peu commune.

« Brave Kinko, ai-je répondu, je suis désolé de vous avoir causé ces appréhensions. Maintenant vous êtes rassuré, et je pense même que vos chances se sont accrues depuis que nous sommes devenus deux amis. »