Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/168

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— Non, monsieur, par jour, répond Tio-King, et c’est à cette mesure que s’en tint l’illustre Cornaro dès l’âge de trente-six ans, ce qui lui laissa assez de force de corps et d’esprit pour écrire son quatrième traité à quatre-vingt-quinze ans, et pour vivre jusqu’à cent deux…

— En ce cas, redonnez-moi une cinquième côtelette ! » s’écrie Pan-Chao en éclatant de rire.

Rien de plus agréable que de causer devant une table bien servie ; mais n’oublions pas de compléter mes notes en ce qui concerne Kokhan. Nous ne devons y arriver qu’à neuf heures du soir, et il fera nuit. Aussi ai-je demandé au major de me fournir quelques renseignements sur cette ville, — la dernière de cette importance en Turkestan russe.

« Je le puis d’autant mieux, me répond le major, que j’y ai tenu garnison pendant quinze mois. Il est regrettable que vous n’ayez pas le temps de visiter cette cité, car elle est restée asiatique, et nous n’y avons pas encore accolé une ville moderne. Vous auriez vu là une place sans rivale en Asie, un palais de grand style, celui de l’ancien khan de Khoudaiar, situé sur un mamelon haut d’une centaine de mètres, et auquel le gouverneur a laissé son artillerie de fabrication sarthe. On le considère comme une merveille, et je vous certifie que c’est à bon droit. Vous perdez là une rare occasion d’utiliser les mots les plus colorés de votre langue, en décrivant la salle de réception transformée en église russe, un labyrinthe de chambres dont les parquets sont en bois précieux de Karagatch, le pavillon rosé où les étrangers reçoivent une hospitalité vraiment orientale, la cour intérieure d’ornementation mauresque qui rappelle les adorables fantaisies architecturales de l’Alhambra, les terrasses aux vues splendides, les pavillons du harem où les mille femmes du sultan, — cent de plus que Salomon, — vivaient en bon accord, les façades de dentelles, les jardins entonnellés de vignes séculaires… Voilà ce que vous auriez pu voir…

— Et ce que j’aurai vu par vos yeux, mon cher major. Mes lecteurs