Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/217

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méridional… Le wagon est forcé, pillé, dévalisé… L’or et les pierres précieuses, d’une valeur de quinze millions, sont arrachés à la garde des Célestes, qui succombent, après une courageuse défense… Quant aux voyageurs… Encore deux minutes de sommeil, et j’aurais été fixé sur leur sort et le mien.

Mais cela disparaît avec les vapeurs de la nuit. Les songes ne sont point des photographies inaltérables : ils « passent » au soleil et finissent par s’effacer.

En faisant mon petit tour de train de la tête à la queue, comme un bon bourgeois à travers les rues de sa bourgade, je suis rejoint par le major Noltitz. Lorsqu’il m’eut serré la main, il me montra un Mongol installé en deuxième classe, et me dit :

« Ce n’est pas un de ceux que nous avons pris à Douchak en même temps que l’administrateur Faruskiar et Ghangir.

— En effet, répondis-je au major, je n’ai pas encore vu cette figure-là dans le train. »

Popof, à qui je m’adresse, m’apprend que ce Mongol est monté à la station de Tchertchen. Et même, ajoute-t-il, dès son arrivée, l’administrateur a conféré un instant avec lui, — d’où je conclus que ce nouveau voyageur doit également être un des agents de la Compagnie du Grand-Transasiatique.

Du reste, je n’ai point aperçu le seigneur Faruskiar pendant ma promenade. Est-ce qu’il serait descendu à l’une des petites stations intermédiaires entre Tchertchen et Tcharkalyk, où nous devons arriver vers une heure de l’après-midi ?…

Non, Ghangir et lui se tiennent en ce moment sur la plate-forme antérieure de notre wagon. Ils paraissent se livrer à une conversation animée et ne l’interrompent que pour observer, avec une visible impatience, la vaste plaine vers l’horizon du nord-est. Est-ce donc quelque nouvelle, apportée par le Mongol, qui les a fait ainsi sortir de leurs habitudes de réserve et de gravité ? Et me voilà m’abandonnant à mon imagination, entrevoyant des aventures, des attaques de bandits comme en mon rêve…