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que de rentrer avec ces dames, s’il ne leur avait fallu se résigner à suivre M. Dardentor.

Celui-ci s’était mis dans la tête d’aller visiter, à huit kilomètres de là, une ferme de deux mille hectares, l’Union du Sig, dont l’origine phalanstérienne remonte à l’année 1844. Par bonheur, le trajet put s’effectuer à dos de mules, sans trop de retard ni de fatigue. Et, en traversant cette campagne riche et tranquille, Jean Taconnat de se dire :

« C’est désespérant !… Il y a quelque soixante-quatre ans, peut-être… alors que l’on se battait à travers la brousse pour prendre possession de la province oranaise… peut-être aurais-je pu ?…

Bref, aucune occasion de sauvetage ne s’était offerte, lorsque tous les trois revinrent à l’hôtel pour le dîner. La soirée ne se prolongea pas. Chacun regagna sa chambre dès neuf heures. Agathocle, qui ne rêvait jamais, ne rêva pas de Louise, et Louise, dont le sommeil était toujours embelli d’agréables rêves, ne rêva pas d’Agathocle…

Le lendemain, à huit heures, Patrice heurta toutes les portes d’un petit coup discret. On obéit au signal de ce ponctuel serviteur, on prit un premier déjeuner au café ou au chocolat, chacun selon son goût, on régla les dépenses de l’hôtel, et l’on se rendit pédestrement à la gare.

Cette fois, M. Dardentor et ses compagnons occupèrent à eux seuls les huit places du compartiment. Ce ne devait d’ailleurs être que pour un trajet très court, entre Saint-Denis du Sig et la station de Perregaux.

Après un court arrêt à Mocta-Douz, hameau européen, situé à dix-sept kilomètres de Saint-Denis, le train stoppa huit kilomètres plus loin.

Perregaux, simple bourgade de trois mille habitants, dont seize cents indigènes, est arrosée par l’Habra au centre d’une plaine de trente-six mille hectares, d’une fécondité merveilleuse. C’est en cet endroit que se coupent le chemin de fer d’Oran à Alger, et celui d’Arzeu, port de la côte septentrionale, qui descend jusqu’à Saïda.