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tissants éclats de voix éparpillèrent les hôtes ailés d’un épais buisson de lentisques.

Vers dix heures et demie, la caravane avait franchi la limite qui sépare le Béni-Méniarin du Djafra-ben-Djafour. Le passage à gué d’un petit rio tributaire de ce Hounet, qui alimente les oueds de la région septentrionale, s’opéra sans difficulté. Il en fut de même, quelques kilomètres au-delà, du Fénouan, dont les premières eaux sourdent au plus épais de la forêt de Chéraga. Les attelages en eurent à peine jusqu’au pâturon.

Il s’en fallait de vingt minutes que le soleil eût atteint sa culmination méridienne, lorsque le signal d’arrêt fut donné par Moktani. L’agréable endroit pour une halte de déjeuner, sur la lisière des arbres, sous l’ombrage de ces chênes verts que les plus ardents rayons ne sauraient percer, au bord de cet Oued-Fénouan, d’un cours si frais et si limpide !

Les cavaliers descendirent de cheval et de mulet, puisque ces animaux n’ont pas l’habitude de s’étendre sur le sol. Les deux méharis, pliant les genoux, allongèrent leurs longues têtes sur l’herbe qui tapissait la route. Clovis Dardentor et le guide prirent terre, — expression assez juste, puisque le chameau, au dire des Arabes, est le « vaisseau du désert ».

Ces diverses bêtes allèrent paître quelques pas plus loin, sous la surveillance des indigènes. Leur repas était largement servi, alfa, diss, chiehh, à proximité d’un massif de térébinthes, magnifiques échantillons des essences forestières du Tell.

Le chariot fut déchargé des provisions emportées de Saïda, conserves variées, viandes froides, pain frais, fruits appétissants dans leurs paniers de verdure, bananes, goyaves, figues, nèfles du Japon, poires, chermolias, dattes. Et quel appétit en général, si vivement aiguisé par le grand air !

« Cette fois, observa Jean Taconnat, il n’y aura pas un capitaine Bugarach pour mettre son bateau dans le creux des lames à l’heure du déjeuner !