Page:Verne - Clovis Dardentor, Hetzel, 1900.djvu/242

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honorés d’une sérénade indigène. Peut-être eussent-ils refusé ce concert ; mais, sur les instances de M. Dardentor, dont il eût été imprudent de surexciter la mauvaise humeur, ils se résignèrent.

Cette sérénade fut donnée dans la grande salle de l’auberge, et elle valait la peine d’être entendue.

C’était une « nouba » réduite à trois espèces d’instruments arabes, le « tébeul », gros tambour que font résonner sur sa double face deux minces baguettes de bois, la « rheïta », flûte en partie métallique, dont la sonorité est comparable à celle du biniou, le « nouara », composé de deux demi-calebasses tendues d’une peau sèche. D’habitude, si cette nouba est accompagnée de danses gracieuses, les danses, ce soir-là, ne figurèrent pas au programme.

Lorsque la petite fête eut pris fin :

« Enchanté… je suis enchanté ! » déclara M. Dardentor d’une voix rébarbative.

Et, personne n’ayant osé émettre une opinion contraire, il fit complimenter par Moktani ces musiciens indigènes qu’il gratifia d’un pourboire très convenable.

Notre Perpignanais avait-il été aussi satisfait qu’il en donnait l’assurance ? C’est une question. Il y eut, dans tous les cas, un des auditeurs dont la satisfaction fut complète, on peut l’affirmer. Oui ! pendant cette nouba, l’un des deux cousins, — on devine lequel, — avait pu se placer près de Mlle  Elissane. Et sait-on s’il ne lui révéla pas alors les trois mots gravés au fond de son cœur, qui trouvèrent écho dans celui de la jeune fille ?…

Le lendemain, de bonne heure, départ des touristes, impatients d’arriver au terme du voyage. Après Lamoricière et jusqu’à Aïn Tellout, on suivit, sur une dizaine de kilomètres, le tracé du chemin de fer en projet. À ce point, la route l’abandonne, et remonte directement vers le nord-est, où elle coupe, à quelques kilomètres de Sidi-bel-Abbès, le chemin de fer en construction, qui descend vers le Sud-Oranais.

Il y eut d’abord à traverser de larges exploitations d’alfa et de vastes