Page:Verne - Clovis Dardentor, Hetzel, 1900.djvu/245

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« Enfin… reprit-il, je veux dire qu’au moyen de vos instruments… votre sextant… comme les marins… le sextant qui est dans votre valise…

— J’ai un sextant… dans ma valise ?

— C’est probable… car la longue-vue, c’est bon pour les paysages… Mais quand il s’agit du passage du soleil au méridien ?…

— Je ne comprends pas…

— Enfin n’êtes-vous pas président de la Société astronomique de Montélimar ?

— Gastronomique, cher monsieur. Société gastronomique ! » répondit fièrement M. Oriental. Et cette réponse, qui expliquait bien des choses inexplicables jusqu’alors, parvint à dérider Jean Taconnat, après que M. Dardentor l’eut répétée.

« Mais c’est cet animal de Patrice, qui nous a dit, à bord de l’Argèlès… s’écria-t-il.

— Comment, monsieur n’est pas astronome ?… demanda le digne serviteur.

— Non… gastronome… on te dit, gas-tro-nome !

— J’aurai mal compris le maître d’hôtel, répliqua Patrice, et cela peut arriver à tout le monde de mal comprendre !

— Et… j’ai pu croire… s’écria notre Perpignanais, j’ai pu prendre M. Oriental pour… tandis que c’était un… Vrai !… C’est à s’en gondoler l’échine !… Tiens, prends tes cliques, tes claques, tes cloques, Patrice, et fiche-moi le camp ! »

Patrice s’en alla, tout confus de sa méprise, et encore plus humilié de l’algarade inconvenante qu’elle lui avait value en des termes si vulgaires. Se gondoler l’échine… C’était la première fois que son maître employait devant lui pareille locution… ce serait la dernière, ou Patrice quitterait son service et chercherait une place chez un membre de l’Académie française, au langage châtié, — pas chez M. Zola, par exemple… si jamais…

Jean Taconnat s’approcha.

« Vous lui pardonnerez, monsieur Dardentor, dit-il.

— Et pourquoi ?…