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de la terre à la lune.

Michel Ardan parvint heureusement à se dérober aux dernières étreintes de ses vigoureux admirateurs ; il s’enfuit à l’hôtel Franklin, gagna prestement sa chambre et se glissa rapidement dans son lit, tandis qu’une armée de cent mille hommes veillait sous ses fenêtres.

Pendant ce temps, une scène courte, grave, décisive, avait lieu entre le personnage mystérieux et le président du Gun-Club.

Barbicane, libre enfin, était allé droit à son adversaire.

« Venez ! » dit-il d’une voix brève.

Celui-ci le suivit sur le quai, et bientôt tous les deux se trouvèrent seuls à l’entrée d’un wharf ouvert sur le Jone’s-Fall.

Là, ces ennemis, encore inconnus l’un à l’autre, se regardèrent.

« Qui êtes-vous ? demanda Barbicane.

— Le capitaine Nicholl.

— Je m’en doutais. Jusqu’ici le hasard ne vous avait jamais jeté sur mon chemin…

— Je suis venu m’y mettre !

— Vous m’avez insulté !

— Publiquement.

— Et vous me rendrez raison de cette insulte.

— À l’instant.

— Non. Je désire que tout se passe secrètement entre nous. Il y a un bois situé à trois milles de Tampa, le bois de Skersnaw. Vous le connaissez ?

— Je le connais.

— Vous plaira-t-il d’y entrer demain matin à cinq heures par un côté ?…

— Oui, si à la même heure vous entrez par l’autre côté.

— Et vous n’oublierez pas votre rifle ? dit Barbicane.

— Pas plus que vous n’oublierez le vôtre, » répondit Nicholl.

Sur ces paroles froidement prononcées, le président du Gun-Club et le capitaine se séparèrent. Barbicane revint à sa demeure, mais au lieu de prendre quelques heures de repos, il passa la nuit à chercher les moyens d’éviter le contrecoup du projectile et de résoudre ce difficile problème posé par Michel Ardan dans la discussion du meeting.