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deux ans de vacances.

l’autre effilé en pointe vers le sud. Mais, au-delà de ces deux caps, la mer s’arrondissait-elle de manière à baigner les contours d’une île ? C’est ce que Briant essaya vainement de reconnaître avec une des lunettes du bord.

En effet, dans le cas où cette terre serait une île, comment parviendrait-on à la quitter, s’il était impossible de renflouer le schooner, que la marée montante ne tarderait pas à démolir en le traînant sur les récifs ? Et si cette île était déserte, – il y en a dans les mers du Pacifique, – comment ces enfants, réduits à eux-mêmes, n’ayant que ce qu’ils sauveraient des provisions du yacht, suffiront-ils aux nécessités de l’existence ?

Sur un continent, au contraire, les chances de salut eussent été notablement accrues, puisque ce continent n’aurait pu être que celui de l’Amérique du Sud. Là, à travers les territoires du Chili ou de la Bolivie, on trouverait assistance, sinon immédiatement, du moins quelques jours après avoir pris terre. Il est vrai, sur ce littoral voisin des Pampas, bien des mauvaises rencontres étaient à craindre. Mais, en ce moment, il n’était question que d’atteindre la terre.

Le temps était assez clair pour en laisser voir tous les détails. On distinguait nettement le premier plan de la grève, la falaise qui l’encadrait en arrière, ainsi que les massifs d’arbres groupés à sa base. Briant signala même l’embouchure d’un rio sur la droite du rivage.

En somme, si l’aspect de cette côte n’avait rien de bien attrayant, le rideau de verdure indiquait une certaine fertilité, comparable à celle des zones de moyenne latitude. Sans doute, au-delà de la falaise, à l’abri des vents du large, la végétation, trouvant un sol plus favorable, devait se développer avec quelque vigueur.

Quant à être habitée, il ne paraissait pas que cette partie de la côte le fût. On n’y voyait ni maison ni hutte, pas même à l’embouchure du rio. Peut-être les indigènes, s’il y en avait, résidaient-ils de préférence à l’intérieur du pays, où ils étaient moins exposés aux brutales attaques des vents d’ouest ?