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deux ans de vacances.

Kate, qui avait tout entendu, était bien résolue à s’enfuir, après le départ des matelots du Severn.

Quelques instants à peine écoulés, Walston et ses compagnons, soutenant Forbes et Pike, dont les jambes n’étaient guère solides, emportaient leurs armes, leurs munitions, ce qui restait de provisions dans les coffres de la chaloupe – c’est-à-dire cinq à six livres de viande salée, un peu de tabac et deux ou trois gourdes de gin. Ils s’éloignaient, au moment où la bourrasque était dans toute sa violence.

Dès qu’ils furent à bonne distance, Kate se releva. Il était temps, car la marée montante atteignait déjà la grève, et, bientôt elle eût été entraînée par le flot.

On comprend maintenant pourquoi Doniphan, Wilcox, Webb et Cross, lorsqu’ils revinrent, pour rendre les derniers devoirs aux naufragés, trouvèrent la place vide. Déjà Walston et sa bande avaient descendu dans la direction de l’est, tandis que Kate, prenant à l’opposé, se dirigeait, sans le savoir, vers la pointe septentrionale du Family-lake.

Ce fut là qu’elle arriva dans l’après-midi du 16, épuisée de fatigue et de faim. Quelques fruits sauvages, c’était tout ce qu’elle avait eu pour se réconforter. Elle suivit alors la rive gauche, marcha toute la nuit, toute la matinée du 17, et vint tomber à l’endroit où Briant l’avait relevée à demi-morte.

Tels étaient les événements dont Kate fit le récit – événements d’une extrême gravité. En effet, sur l’île Chairman, où les jeunes colons avaient vécu en complète sécurité jusqu’alors, sept hommes, capables de tous les crimes, avaient pris terre. S’ils découvraient French-den, hésiteraient-ils à l’attaquer ? Non ! Ils avaient un intérêt trop réel à s’emparer de son matériel, à enlever ses provisions, ses armes, ses outils surtout, sans lesquels il leur serait impossible de mettre la chaloupe du Severn en état de reprendre la mer. Et, dans ce cas, quelle résistance pourraient opposer Briant et ses camarades, dont les plus grands comptaient alors une quinzaine d’années