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deux ans de vacances.

Enfin il s’ingéniait à relever leur moral, mais sans y trop parvenir, et sa grande appréhension était que le désespoir ne vînt l’abattre. Il n’en fut rien. D’ailleurs, des événements extrêmement graves les obligèrent bientôt à payer tous de leur personne.

Le 21 novembre, vers deux heures de l’après-midi, Doniphan était occupé à pêcher sur les bords du Family-lake, lorsque son attention fut vivement attirée par les cris discordants d’une vingtaine d’oiseaux qui planaient au-dessus de la rive gauche du rio. Si ces volatiles n’étaient point des corbeaux, – auxquels ils ressemblaient quelque peu, – ils eussent mérité d’appartenir à cette espèce vorace et croassant.

Doniphan ne se fût donc pas préoccupé de la troupe criarde, si son allure n’avait eu de quoi le surprendre. En effet, ces oiseaux décrivaient de larges orbes, dont le rayon diminuait à mesure qu’ils s’approchaient de terre ; puis, réunis en un groupe compact, ils se précipitèrent vers le sol.

Là, leurs cris redoublèrent ; mais Doniphan chercha vainement à les apercevoir au milieu des hautes herbes entre lesquelles ils avaient disparu.

La pensée lui vint alors qu’il devait y avoir en cet endroit quelque carcasse d’animal. Aussi, curieux de savoir à quoi s’en tenir, il rentra à French-den et pria Moko de le transporter avec la yole de l’autre côté du rio Zealand.

Tous deux s’embarquèrent, et, dix minutes après, ils se glissaient entre les touffes d’herbes de la berge. Aussitôt, les volatiles de s’envoler, en protestant par leurs cris contre les importuns qui se permettaient de troubler leur repas.

À cette place, gisait le corps d’un jeune guanaque, mort depuis quelques heures seulement, car il n’avait pas perdu toute chaleur.

Doniphan et Moko, peu désireux d’utiliser pour l’office les restes du dîner des carnivores, se disposaient à les leur abandonner, quand une question se présenta : comment et pourquoi le guanaque était-il