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et le lieutenant Procope s’embarquèrent dans le you-you. Ils dirent adieu à leurs compagnons, dont l’émotion fut grande à les voir prêts à se lancer sur l’immense plaine blanche par un froid qui dépassait vingt-cinq degrés centigrades. Ben-Zouf avait le cœur gros. Les matelots russes et les Espagnols voulurent tous serrer la main du capitaine et du lieutenant. Le comte Timascheff étreignit sur sa poitrine le courageux officier et embrassa son fidèle Procope. Un bon baiser de la petite Nina, dont les grands yeux avaient peine à retenir de grosses larmes, termina cette touchante scène d’adieux. Puis, sous sa voile déployée, le you-you, emporté comme par une immense aile, disparut en quelques minutes au delà de l’horizon.

La voilure du you-you se composait d’une brigantine et d’un foc. Celui-ci fut « traversé » de manière à porter vent arrière. La vitesse du léger véhicule fut donc excessive, et ses passagers ne l’estimèrent pas à moins de douze lieues à l’heure. Une ouverture ménagée à l’arrière du roufle permettait au lieutenant Procope de passer sa tête bien encapuchonnée, sans trop s’exposer au froid, et, au moyen de la boussole, il pouvait se diriger en droite ligne sur Formentera.

L’allure du you-you était d’une douceur extrême. Il n’éprouvait même pas ce désagréable frémissement, dont les trains ne sont pas exempts sur les chemins de fer les mieux établis. Moins pesant à la surface de Gallia qu’il ne l’eût été à la surface de la terre, il glis-