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Page:Verne - Kéraban-le-Têtu, Hetzel, 1883, tome 2.djvu/154

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KÉRABAN-LE-TÊTU.

qui, elle, saura bien dénoncer le coupable, si le coupable est encore ici. Or, il doit y être, puisque personne n’a pu quitter la cour du caravansérail, depuis l’instant où a été commis l’attentat.

— Il est fou, ce juge ! » murmura le seigneur Kéraban.

À ce moment, le greffier rentra, tirant par son licol une chèvre qu’il amena au milieu de la cour.

C’était un gentil animal, de l’espèce de ces égagres, dont les intestins contiennent quelquefois une concrétion pierreuse, le bézoard qui est si estimé en Orient pour ses prétendues qualités hygiéniques. Cette chèvre, avec son museau délié, sa barbiche frisotante, son regard intelligent, en un mot avec sa « physionomie spirituelle », semblait être digne de ce rôle de devineresse que son maître l’appelait à jouer. On rencontre, par grandes quantités, des troupeaux de ces égagres, répandus dans toute l’Asie Mineure, l’Anatolie, l’Arménie, la Perse, et ils sont remarquables par la finesse de leur vue, de leur ouïe, de leur odorat et leur étonnante agilité.

Cette chèvre, — dont le juge prisait si fort la sagacité, — était de taille moyenne, blanchâtre au ventre, à la poitrine, au cou, mais noire au