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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

achever ce qu’ils avaient commencé ? Thargela, qui avait si ingénument réclamé leur protection, l’avait obtenue. Restait maintenant à vivre. Certes, avec un courageux garçon comme Joachimo, le nouveau ménage avait toutes chances d’y parvenir largement. Mais une petite somme d’argent, que les touristes n’auraient pas de peine à réunir entre eux, faciliterait en tous cas singulièrement l’avenir. Ce serait la dot de Thargela, et Joachimo, devenu son heureux mari, aurait fait du même coup une bonne affaire. Avoir marié Thargela, c’était bien. Assurer son avenir, c’était mieux encore.

Alice tendit donc la main pour sa petite protégée, et il est juste de dire qu’aucun de ses compagnons ne lui marchanda son obole.

Blockhead, le premier, se saigna de deux livres (cinquante francs), ce qui est raisonnable pour un épicier honoraire, et Saunders, Thompson et Tigg ne crurent pas pouvoir donner une somme moindre.

Johnson eût donné aussi sans doute, si, fidèle à son serment, il n’était demeuré à bord du Seamew.

Roger, entre les mains de la gracieuse passagère, versa galamment cinq louis en or de France.

Hamilton, qui, malgré son fâcheux caractère, avait bon cœur au fond, diminua dans cette occasion ses capitaux d’une belle bank-note de quatre livres (cent francs), qui parut donnée avec plaisir.

Alice remercia chaudement le généreux baronnet ; puis, continuant sa charitable quête, elle demeura saisie, en se trouvant en face de Robert.

Sans lui dire un mot, sans paraître honteux de la modicité de son offrande, Robert, avec un geste plein d’une grâce fière, remit à la jolie quêteuse une pièce portugaise de mille réis (six francs), et tout d’un coup Alice se sentit rougir malgré elle, jusqu’à la racine des cheveux.

Irritée de cette faiblesse, dont elle n’eût pu dire la cause, Alice