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LE SECOND SECRET DE ROBERT MORGAND.

sortait à son honneur. Jusqu’ici, tout au moins, sa belle-sœur ne savait rien.

Il se trouva si réconforté par cette certitude que son caractère ordinairement sombre s’anima exceptionnellement. Au lieu de se tenir à l’écart, il se mêla à la conversation. Fait surprenant, il fut presque gai. Dolly et Roger, qui n’en revenaient pas, lui donnaient mollement la réplique, tandis qu’Alice semblait, l’esprit ailleurs, ne rien entendre de ce qui se disait autour d’elle.

Vers quatre heures, le Seamew laissa derrière lui l’île de Lancelote et commença à côtoyer les rivages presque identiques de Fortaventure. N’eût été la Bocaïna, canal de dix kilomètres de large qui sépare les deux îles, on ne se fût pas aperçu du changement.

Robert persistait dans son absence. Ce fut en vain que Roger, intrigué par cette complète disparition, alla jusque dans les cabines relancer son ami. M. le professeur Morgand n’était pas chez lui.

On ne l’aperçut qu’au dîner, lequel fut aussi morne que le déjeuner, puis, le repas à peine terminé, il disparut de nouveau, et Alice, remontée sur le spardeck, put voir à la nuit tombante s’allumer le hublot de son insaisissable sauveur.

Toute la soirée, Robert demeura invisible, et les passagères américaines gagnèrent l’heure du repos, que la lumière studieuse brillait toujours.

« Il est enragé ! » dit en riant Roger qui reconduisait les deux sœurs.

Dans sa cabine, Alice ne se mit pas au lit avec sa tranquillité coutumière. Ses mains paresseuses s’attardaient. Plus d’une fois, elle se surprit, assise et rêvant, ayant inconsciemment interrompu les soins de sa toilette nocturne. Quelque chose était changé qu’elle n’eût pu dire. Une indéfinissable angoisse pesait sur son cœur.

Dans la chambre voisine, un bruit de pages froissées lui avait prouvé que M. Morgand était là, et qu’il travaillait en effet. Mais