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l’école des robinsons

était vigoureux, adroit, actif ; par la suite, aucune besogne ne le rebuta. Il montrait une réelle aptitude à imiter ce qu’il voyait faire. Ce fut de cette manière que Godfrey procéda à son éducation. Le soin des animaux domestiques, la récolte des racines et des fruits, le dépeçage des moutons ou agoutis, qui devaient servir à la nourriture du jour, la fabrication d’une sorte de cidre que l’on tirait des pommes sauvages du manzanilla, il s’acquittait soigneusement de tout, après l’avoir vu faire.

Quoi qu’en pût penser Tartelett, Godfrey n’éprouva jamais aucune défiance de ce sauvage, et il ne semblait pas qu’il dût jamais avoir lieu de s’en repentir. S’il s’inquiétait, c’était du retour possible des cannibales, qui connaissaient maintenant la situation de l’île Phina.

Dès le premier jour, une couchette avait été réservée à Carèfinotu dans la chambre de Will-Tree ; mais le plus souvent, à moins que la pluie ne tombât, il préférait dormir au dehors, dans quelque creux d’arbre, comme s’il eût voulu être mieux posté pour la garde de l’habitation.

Pendant les quinze jours qui suivirent son arrivée sur l’île, Carèfinotu accompagna plusieurs fois Godfrey à la chasse. Sa surprise était toujours extrême à voir tomber les pièces de gibier, ainsi frappées à distance ; mais alors il faisait office de chien avec un entrain, un élan, qu’aucun obstacle, haie, buisson, ruisseau, ne pouvait arrêter. Peu à peu, Godfrey s’attacha donc très sérieusement à ce noir. Il n’y avait qu’un progrès auquel Carèfinotu se montrait absolument réfractaire : c’était l’emploi de la langue anglaise. Quelque effort qu’il y mît, il ne parvenait pas à prononcer les mots les plus usuels que Godfrey, et surtout le professeur Tartelett, s’entêtant à cette tâche, essayaient de lui apprendre.

Ainsi se passait le temps. Mais si le présent était assez supportable, grâce à un heureux concours de circonstances, si aucun danger immédiat ne menaçait, Godfrey ne devait-il pas se demander comment il pourrait jamais quitter cette île, par quel moyen il parviendrait enfin à se rapatrier ! Pas de jour où il ne pensât à son oncle Will, à sa fiancée ! Ce n’était pas sans une secrète appréhension qu’il voyait s’approcher la saison mauvaise, qui mettrait entre ses amis, sa famille et lui, une barrière plus infranchissable encore !

Le 27 septembre, une circonstance se produisit. Si elle amena un surcroît de besogne pour Godfrey et ses deux compagnons, elle leur assura, du moins, une abondante réserve de nourriture.

Godfrey et Carèfinotu étaient occupés à la récolte des mollusques à la pointe