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helena cambell.

tourelle octogonale. Là se dressait le mât de pavillon, qui s’élève au toit de toutes les habitations aussi bien qu’à la poupe de tous les navires du Royaume-Uni. Cette sorte de donjon, de construction moderne, dominait ainsi l’ensemble des bâtiments qui constituaient le cottage proprement dit, avec ses toits irréguliers, ses fenêtres percées capricieusement, ses pignons multiples, ses avant-corps débordant les façades, ses moucharabys collés aux fenêtres, ses cheminées ouvragées à leur faîte, — fantaisies souvent gracieuses dont s’enrichit volontiers l’architecture anglo-saxonne.

Or, c’est sur la dernière plate-forme de la tourelle, sous le pli des couleurs nationales, déployées à la brise du Firth of Clyde, que miss Campbell aimait à rêver pendant des heures entières. Elle s’y était arrangé un joli lieu de refuge, aéré comme un observatoire, où elle pouvait lire, écrire, dormir par tous les temps, à l’abri du vent, du soleil et de la pluie. C’est là qu’il fallait le plus souvent la chercher. Si elle n’y était pas, c’est qu’alors sa fantaisie l’égarait dans les allées du parc, tantôt seule, tantôt accompagnée de dame Bess, à moins que son cheval ne l’emportât à travers la campagne environnante, suivie du fidèle Partridge, qui pressait le sien pour ne point rester en arrière de sa jeune maîtresse.

Entre les nombreux domestiques du cottage, il convient de distinguer plus spécialement ces deux honnêtes serviteurs, attachés depuis leur bas âge à la famille Campbell.

Élisabeth, la « Luckie », la mère, — ainsi que l’on dit d’une femme de charge dans les Highlands, — comptait à cette époque autant d’années qu’elle portait de clefs à son trousseau, et il n’y en avait pas moins de quarante-sept. C’était une véritable ménagère, sérieuse, ordonnée, entendue, qui menait toute la maison. Peut-être croyait-elle avoir élevé les deux frères Melvill, bien qu’ils fussent plus âgés qu’elle ; mais, à coup sûr, elle avait eu pour miss Campbell des soins maternels.

Près de cette précieuse intendante figurait l’Écossais Partridge, un serviteur absolument dévoué à ses maîtres, toujours fidèle aux vieilles coutumes de son clan. Invariablement vêtu du costume traditionnel des montagnards, il portait la toque bleue bariolée, le kilt en tartan qui lui descendait jusqu’au genou par-dessus le philibeg, le pouch, sorte de bourse à longs poils, les hautes jambières, maintenues sous un losange de cordons, et les brogues de peau de vache, dont il faisait ses sandales.

Une dame Bess pour conduire la maison, un Partridge pour la garder, que